La JONQUERA
La Jonquera se situe en Catalogne sud, à la frontière franco-espagnole, à 50 km de Perpignan. Les Français y affluent chaque week-end par centaines pour faire leurs courses. Ils y trouvent des enfilades de supermarchés, des centres commerciaux « outlet », des restaurants « buffet libre à volonté ». Leurs voitures, garées sur les immenses parkings, repartent le soir le coffre débordant de produits alimentaires, de parfums, de vêtements et surtout de bouteilles d’alcool et de cigarettes.
La Jonquera doit son dynamisme au commerce frontalier à bas prix. Elle tire une partie de ses ressources économiques de la prostitution en raison de sa proximité avec la France, où les maisons closes sont interdites, et avec les villes balnéaires de la Costa Brava. La Jonquera est considérée comme la capitale du sexe en Europe. On y compte plus de vingt « clubs » et plus de deux cents prostituées travaillent chaque soir dans le seul « Club Paradise », la maison close la plus célèbre et la plus proche de la frontière franco-espagnole.
Ces clichés ont été pris en dehors des périodes d’affluence que sont les week-ends, à la recherche de ce que ces lieux, temples de la consommation à outrance donnent à voir quand ils sont dépossédés de leur fonction. Le choix s’est donc porté sur un après-midi de semaine, dans la période creuse qui suit les fêtes de fin d’année.
Ce moment particulier subjugue par le calme, comme une attente fossilisée dans laquelle la Jonquera se serait totalement engourdie… Un tel silence méditatif interroge forcément celui qui le contemple. Il interroge d’autant plus si on le compare à la pleine frénésie mercantile qui y règne habituellement. Ce jour-là, la tonalité particulière de ces lieux délaissés provoque immanquablement une attirance incompréhensible…
Il n’y a pourtant ici rien d’extraordinaire, juste un vide qui nous aspire : ces no man’s lands, en stand-by sont d’une banalité poétique. Ils sont dramatisés par un vide d’une tranquillité inquiétante, comme autant de décors de théâtre en attente de narration. Ces infrastructures désertées paraissent presque incarnées par l’abandon temporaire dont elles font l’objet.
Après l’hystérique surconsommation de sexe, d’alcool, de nourriture et de tabac … dont ils sont le théâtre, ces espaces exsangues, souillés, dénaturés, vivent pour un temps leur « repos du guerrier ».
Dans cet espace artificiel, cet entre-deux fantomatique, c’est la perte de repères culturels, spatiaux et temporels qui domine. Ces espaces purement fonctionnels, privés de leurs fonctions premières, tentent de retrouver une dignité et semblent vouloir s’inventer une âme.






















